Marées vertes

A l'aube d'un prometteur jeudi de printempsA vos éphémérides ! de l'an 2010, Mary fut réveillée par le chant de tous les oiseaux de son jardin niché au fond d'une discrète venelle quimpéroise.

Ceux-ci de nos jours se sentent bizarrement mieux, devenus citadinsLes oiseaux s'adaptent à la ville beaucoup mieux qu'on le pense, qu'à devoir subir les affres de l'agriculture industrielle..

Curieusement Mizdu n'effrayait nullement ces créatures qui ne font de tort à personne, la base de son alimentation restant tout de même un grand mystère pour son hôtesse (l'appeler sa "maîtresse" eût été une erreur manifeste).

Mary commença tout d'abord par faire mouliner consciencieusement la dynamo de son vélo d'exercice, afin de recharger les quelques accessoires hi-tech qu'elle utilisait de façon raisonnable : son Eee-PC, son téléphone portable (qui à part le grille-pain possédait toutes les fonctions les plus indispensables selon les derniers critères de la "geek-attitude") et son chargeur d'accus Ni-MH.

De toute façon cet exercice quotidien était également du plus grand intérêt pour sa santé déjà excellente.

Elle prit une douche tonique (à l'eau de pluie filtrée recueillie dans la tonne installée sous les combles et réchauffée la veille par le chauffe-eau solaire installé sur un pan du toit.

Outre le savon de Marseille, elle utilisa comme shampoing une décoction de saponaire, de sauge et de citronJe possède l'édition originale de ce bouquin. C'est ...... rigolo ! (encore une recette héritée de la "grwrac'h" qui lui avait confié Miz Du ainsi que tant d'autres choses), puis entreprit la fastidieuse séance quotidienne de démêlage de sa longue chevelure puis la confection de la célèbre tresse, bien plus commode pour exercer son métier parfois risqué de Capitaine de Police Judiciaire que si elle devait ressembler à une publicité télévisée pour "celles qui le valent bien". Cette véritable corvéeCeux que cette digression surprend n'ont peut-être pas une petite fille qui doit se soumettre à ce rituel quotidien. était peut-être un hommage désuet à ses racines bretonnes, elle eût pourtant été bien en peine de choisir une autre coiffure.

Ayant mis à chauffer l'eau nécessaire à la préparation d'un aromatique café, elle se rendit d'un bond au coin de la venelle d'où émanaient les senteurs du pain frais qu'elle adorait, puis revint s'attabler devant son copieux petit déj' , café allongé d'une louchette de lait crémeux, tartines de pain beurré et confitures (diverses au gré des humeurs, ses amis avaient tant d'imagination, qui lui en avaient offert d'aussi savoureuses qu'exotiques).

Selon les saisons il lui seyait parfois d'ajouter une galette-saucisse ou une portion de haddock à cet indispensable premier repas de la journée, mais aujourd'hui rien n'était prévu à son programme qui justifiât une telle mise en réserve de calories.

Après s'être vêtue à son habitude de façon confortable et discrète (elle fréquentait plus souvent les ship-chandlers et le rayon randonnée des boutiques de sport que les boutiques à la dernière mode), elle enfourcha la bicyclette qu'elle utilisait plus facilement pour se déplacer en ville que la vénérable Twingo à la robe de ciel qu'elle se souciait maintenant de ménager, la réservant pour la véhiculer par monts et par vaux lorsque ses missions exigeaient qu'elle se déplace dans cette immense province. Elle aurait pu également faire le court trajet jusqu'au commissariat (700m) en moins de dix minutes à pieds.

La plupart de ses missions de police (qui étaient d'ailleurs plus souvent son lot quotidien que les palpitantes aventures recueillies par son amie Amandine et publiées avec le talent de Jean Failler) s'effectuaient le plus souvent à l'aide des véhicules de service et en bonne compagnie d'un ou plusieurs coéquipiers (coéquipières aussi, oui !) "en bleu" ou en civil. Les temps avaient changé et l'image d'une police a priori bienveillante ayant été un peu entachée par de bouillants populistes.

Elle dut subir (avec amusement, le numéro de ce duo amical était bien rodé) le rituel quotidien des commentaires de Jean-Pierre Fortin (alias Jipi) sur l'actualité sportive.

Aujourd'hui la tête de turc était le sélectionneur national, reconduit par défaut dans ses fonctions afin d'affronter stoïquement les secousses médiatiques causées par le désamour persistant envers une bien peu charismatique pléthore de vedettes (il était d'ailleurs lui-même très correctement rétribué, pour un souffre-douleur !).

Ah ! son colossal coéquipier préféré ! Quasiment un grand frère protecteur, si efficace dans l'action musclée, mais aussi pour nouer le contact avec les brebis égarées mais récupérables que la société en perte de repères sème au bord de sa course folle ; plus d'un petit délinquant paumé s'était ainsi vu offrir une chance et il advint même que certains s' en saisissent, si !Un certain jeune scootériste, bien qu'il ait eu du mal à tout oublier de ses frasques passées, peut en témoigner.

Pour sa part elle ne pouvait malheureusement pas si facilement pratiquer l'ouverture, son aspect de frêle jeune femme trompait peut-être facilement les m'as-tu-vu, machos, notables véreux et divers, mais il était hélas sans effet sur le marlou primaire et la confrontation était souvent inévitable. D'où la nécessité de ce petit jeu entre les deux complices, chacun d'eux comprenant au quart de tour ce que l'autre apportait de positif dans leurs interventions quotidiennes.

Cette fois-ci la journée s'annonça comme devant être de celles qui nous sont connues, car marquée par l'irruption d'un brigadier annonçant la convocation toutes affaires cessantes de Mary dans le bureau du Patron, le paterne et distingué Commissaire Fabien.

Celui-ci aurait pu se servir d'une touche pré-programmée du clavier de son combiné téléphonique ultra-moderne, installé à l'époque de l'intérim assuré par l'ambitieux Mervent, mais ce n'était pas sa façon à lui et il ne lui déplaisait pas non plus que la rumeur courre les murs :

"Le Patron a convoqué Mary, il va se passer des choses !"

et qu'ainsi tous se sentent requinqués par cette rupture de la routine (même s'ils avaient peu de chance d'y participer eux-mêmes, tous étaient secrètement flattés que Mary refuse un avancement qui l'obligerait à quitter cette "famille").

Quelle ne fut pas la surprise de Mary en entrant dans le bureau du Commissaire, car elle se trouva ainsi nez à nez avec son ami Lilian, qu'elle croyait pourtant à l'autre bout du pays en train de concevoir et d'installer ses maisons dans les arbres, si prisées des poètes et des "bobos" en quête d'exotisme (il est vrai que pour une ou deux nuitées, l'expérience est assez .. sensationnelle).

A ses côtés se tenait un homme à l'œil vif, dont le front haut, la chevelure et la moustache blanches lui étaient bien connues, tellement ses apparitions dans les médias étaient nombreuses.

Un peu froissée tout de même qu'il n'eût pas jugé nécessaire d'au moins la prévenir de sa présence à Quimper (leur relation était suffisamment libre pour que chacun d'eux supporte assez facilement les nombreuses absences de l'autre et le plaisir des trop rares retrouvailles n'en était que plus vif), Mary se mura dans un silence d'assez mauvais augure.

Connaissant "sa" Mary comme si elle était la fille qu'il n'avait jamais eue (et qui l'aurait fait vieillir prématurément, à coup sûr !), le distingué pré-retraité (eh oui, il se préparait tout de même assez tristement à cette inéluctable échéance) ne laissa pas s'éterniser cette mauvaise ambiance.²

" - Ne soyez pas trop dure avec votre ami Lilian, Mary ; c'est nous qui lui avons demandé d'être discret sur sa présence dans nos locaux.

- Allons bon ! Il est un fait qu'il n'est jamais venu dans ce commissariat, mais nos relations sont de notoriété publique, je ne vois pas en quoi ....

- Mary, Mary, calmez-vous, je vous prie !" Essaya un peu vainement de tempérer le brave homme qui lui-même ne semblait pas convaincu de l'utilité d'une telle cachotterie.

Jusque là resté un peu en retrait mais visiblement très amusé par cette petite chamaillerie l'homme qu'il n'avait pas été utile de présenter prit alors la parole :

"- Mademoiselle le Capitaine, veuillez m'excuser, je suis l'unique responsable de ce malentendu.

C'est à l'occasion d'une intervention pour l'entretien et une petite modification de ma maison dans un arbre que votre ami Lilian m'a rappelé vos talents pour résoudre des énigmes aussi variées qu'embrouillées. Il m'a aussi fait part de votre répugnance croissante à devoir accéder sur un simple claquement de doigts aux desiderata farfelus d'une ancienne éminence grise de l'Élysée.

- Oui, c'est un peu vrai ! Je commence à en avoir un peu assez, d'être la "Jeanne d'Arc" du Conseiller Mervent. Jusqu'à maintenant ça s'est toujours bien terminé pour moi, j'ai même réussi à éviter un avancement qui signifierait ipso-facto une mutation géographique, mais j'ai parfois le sentiment qu'un beau jour ce serait un grand n'importe quoi, ses "demandes spéciales".

- Je suppose que l'actualité politique n'est peut-être pas votre tasse de thé ?

Mais savez-vous que, suite au raz de marée (relatif) d'Europe Écologie aux dernières élections régionales, le Conseiller Mervent a été jugé un peu moins "gris" comme éminence que comme énergivore ? Il a été invité froidement à joindre le cabinet de Michel Rocard, nommé ambassadeur de France chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et AntarctiqueCeci est un très amical clin d'œil à un homme politique qu'il m'est arrivé de croiser et dont la plus grande part (pas toutes) de ses prises de position m'a plu. Et Mervent peut toujours sortir sa boite à cirage !.

Les raisons de cette éviction sont à vrai dire assez mystérieuses.

Notre Président se trouvant empêtré dans ses contradictions sur les thèmes écologiques s'est cru obligé de mettre en avant une personnalité qui soit reconnue pour ses convictions sur le sujet, sans être tout de même un apôtre trop avéré de la décroissance.

Les réticences de l'animateur des émissions de découverte "haletante et sportive" des merveilles de notre planète à s'engager directement lui ayant fait refuser ce poste de Conseiller Spécial, on s'est tourné vers moi car mes capacités à jongler entre mes convictions et les nécessités du mécénat d'entreprise et de l'ultra-médiatisation sont bien connues.

Comme il vaut toujours mieux être "dedans" que "dehors" pour faire avancer les choses, j'ai donc accepté ce poste controversé.

- Bon, mais cette cuisine, en quoi suis-je concernée tout-à coup ?

- Eh bien voyez-vous, je crois qu'il y a peu d'officiers de police judiciaire qui aient votre profil autant que votre expérience.

- Et allez ! Quelle que soit la couleur politique, la pommade, encore et toujours la pommade ! bougonna Mary."

L'homme éclata d'un grand rire communicatif devant autant de mauvaise foi, il faut dire que sans révéler de secrets intimes, Lilian l'avait prévenu du caractère éminemment impulsif de sa petite amie, lequel servait le plus souvent et avant tout à laisser ses interlocuteurs s'enfoncer encore davantage dans leurs bobards.

"- Allez Mary Lester, baissez un peu la garde, que diable ! Nous avons, vous le savez bien, tant de points communs !

- Là vous m'intriguez, je sais beaucoup de choses de vous car vous êtes un personnages très public, mais vous, que savez-vous de moi, qu'a bien pu vous raconter cette nouille de Lilian ? répliqua Mary un peu vexée d'être ainsi percée à jour.

- La nouille te remercie, se renfrogna à son tour Lilian (et dans son cas c'était une attitude 100% naturelle). Si j'avais su que tu le prendrais ainsi j'aurais fermé ma grande ... bouche (il ne pouvait décidément se départir de sa bonne éducation, même sous le coup de la colère)

- Suffit ! tonna le Commissaire, dont l'humour et la patience n'étaient pas au niveau de ceux manifestés par le célèbre visiteur. Cessez de jouer les mômes, vous en avez passé l'âge !

Maintenant si vous le voulez bien, nous allons rendre ce charmant jeune homme à ses occupations habituelles en le remerciant pour son entremise et en le priant de nous excuser pour les désagréments ... sentimentaux que son initiative risque de lui valoir. Et nous passerons aux détails de votre mission, Capitaine Lester !"

Les jeunes gens, conscients de s'être montrés ainsi à leur désavantage, se dévisagèrent d'un air si piteux que même le Commissaire fut pris d'un incoercible fou rire.

"- Allons mon cher Lilian, ne faites pas cette tête là, le temps d'exposer à votre tigresse ce que nous attendons d'elle, prenez donc quelques moments pour musarder en ville et j'accorderai au Capitaine Lester une pause qui vous permettra de rafistoler vos porcelaines."

Lilian ne se le fit pas dire deux fois, partagé entre une curiosité qui l'avait poussé à émettre cette suggestion risquée à son client et le soulagement d'échapper un peu aux humeurs de Mary ; il s'éclipsa.

"- Et maintenant que vous avez bien rigolé à nos dépens, Patron, allez-vous me dire en quoi je suis si semblable à Monsieur que je sois indispensable à ses projets ?

- Appelez-moi FabFanch-Arzel Bernard, vous l'aviez deviné !, comme le font mes amis, reprit le célèbre photographe, car je compte bien que malgré cette entrée en matière calamiteuse, nous le deviendrons.

Pour vous répondre : vous aimez et pratiquez avec talent la photographie, vous êtes raisonnablement réceptive aux notions d'écologie, sans verser dans le jusqu'au boutisme de certains drôles de zozos, vous placez les technologies à leur juste place : des outils et non des fins en soi. Sans être une sportive acharnée, vous avez une excellente hygiène de vie, vos connaissances linguistiques sont avérées (anglais, espagnol, allemand, breton si je ne m'abuse).

Ayant été élevée dans un univers maritime, vous êtes à l'aise pour manier une embarcation, vous montez à cheval, avez appris à pratiquer le golf, jouez du piano comme une virtuose.

Vous ne vous embarrassez pas si c'est nécessaire de certaines contraintes administratives ou déontologiques pour résoudre les énigmes qui vous sont soumises, mais au final vos dossiers sont irréprochables quand le moment est venu d' incriminer les malfaisants.

- Ma parole ! Mais vous avez eu accès à ma fiche aux renseignements généraux, vous ! Pardon, je devrais dire la Direction Centrale du Renseignement Intérieur, tout un programme !

- Et la façon dont Jean Failler a popularisé vos aventures, vous-même ayant temporairement pris la plume lorsqu'une certaine publicité vous protégeait des "puissances occultes" d'une police politique dévoyée, ou de barbouzes malintentionnées ?

C'était d'ailleurs écrit avec tant de talent que je suis devenu fan de la série.

- .Oui, évidemment ! admit-elle."

Mais alors, que savait-il de ses héritages fabuleux et de ses pouvoirs mystérieux, se demanda Mary, avant de laisser ce dérangeant paradoxe littéraire de côté ?

"- Au fait, au fait s'il vous plait, qu'attendez-vous de moi ?

- Rien de bien sorcier (!)(!) est une façon de représenter le "point d'ironie", simplement que vous m'accompagniez dans les survols de votre belle région que je dois effectuer à titre professionnel, pour y faire les vues aériennes qui ont tant de succès. Cette partie là de ma mission sera plaisante et facile, les paysages de Bretagne savent être si photogéniques ! Et je n'aurai guère plus d'empreinte carbone à compenser en vous emmenant avec moi, je suis sûr que vous serez conquise.

- En effet, cette partie de votre proposition est fort alléchante. Je ne me vois pourtant guère devenir guide touristique, quoique j'aie également fait cette aimable proposition à plusieurs de mes amis du bout du monde. Il doit donc y avoir une face cachée de votre mission, comme vous dites, que vous voulez garder discrète au point d'avoir failli me brouiller avec mon ami ?

- Oui ma chère, je n'aurais pu vous le cacher, votre perspicacité est proverbiale et ma proposition se veut sans ombre. Je dois essayer de trouver par quel moyen nous allons pouvoir essayer de sortir la plus productive région d'élevage intensif de France du bourbier dans lequel les politiques agricoles successives l'ont mise. C'est au point que l'État ne sait plus comment remplir ses engagements auprès de la communauté européenne en matière de qualité des eaux de rivière, ni comment traiter la prolifération d'algues vertes sur certaines plages, sans devoir ruiner une filière de production qu'on a tant incitée à rechercher de tels rendements.

- Vous savez, je ne crois pas être une experte de l'industrie agro-alimentaire et je ne vois pas en quoi ....

- Je vous demande juste d'être mon poisson pilote lorsque je rencontrerai, sous couvert de mes survols, différentes personnes que vous avez croisées au fil de vos aventures, souvenez-vous !

Le temps que je gagnerai ainsi à apprivoiser des gens si diversement (et directement) concernés par ces problèmes sera gage de la discrétion nécessaire à une si délicate entreprise. Si j'arguais bille en tête de mon succès médiatique pour essayer de trouver les fils du dialogue à nouer entre eux, mon échec serait assuré.

Mais avec votre concours, je pense au moins parvenir à ramener à Paris suffisamment d'éléments positifs et ce dans un laps de temps qui ne permette pas aux différents lobbies de réagir assez vite.

Après, ce sera une affaire de bonne gouvernance pour instaurer des réformes acceptables par tous. Dans la période ce sera sans doute voué à l'échec, mais qui ne tente rien .... ne mérite que de manger du poulet clapacClasse A Prêt À Cuire, ne pas confondre avec le groupe lobbyiste texan homophone. !

Cela clôt le plaidoyer de cet utopiste sympathique qui avait ainsi abattu ses cartes sans cacher la pauvreté de sa donne. C'est cela qui emporta la décision de Mary.

Avoir pour mission de prendre le temps de revoir certaines personnes dont le destin avait croisé le sien et avec lesquelles elle n'avait pu garder le contact, essayer de tirer d'elles le meilleur de leurs projets et, qui sait ? Peut-être son nouvel ami (elle ne doutait plus qu'il le devint maintenant) tirerait-il de cela des pistes prometteuses pour régler le conflit d'intérêts ?

Et puis il faut bien avouer que la perspective de redécouvrir sa belle province vue du ciel en ayant tout le loisir (et les bons conseils d'un tel artiste) pour effectuer de superbes clichés équivalait à effectuer une belle croisière tous frais payés, après tout ce n'était pas plus répréhensible que son séjour d'apprentie golfeuse aux frais de la princesse !

Elle convint de retrouver à Lanvéoc-Poulmic dès le lendemain son nouveau coéquipier et le Dauphin SA 365N de la Flottille 32F équipé pour l'occasion de la merveilleuse caméra Cineflex.

Puis elle s'en alla profiter du congé que lui avait accordé le Commissaire pour le reste de la journée et retrouver Lilian, qui malheureusement devait s'absenter à nouveau dès la fin de l'après-midi.

Le lendemain matin, lorsqu'après avoir franchi les grilles de la base Mary gara la Twingo aux portes du hangar qui abritait les 4 appareils de la Flottille, quelle ne fut pas sa surprise à nouveau de retrouver "Fab" et Lilian, non pas devant un superbe hélicoptère à fenestron muni d'une boule Wescam, mais devant un convoi de camionnettes et de pick-ups, l'un d'entre eux tractant une remorque sur laquelle reposait un étrange engin qui rappelait vaguement les hydroglisseurs à hélice employés dans les Everglades et autres zones de marais.

Lilian prit immédiatement les devants pour éviter une nouvelle catastrophe :

"- Mary, je vais t'expliquer.

Hier soir encore rien n'était ficelé et je n'aurais pas voulu te faire de fausse joie. Mais au lieu de nous servir de l'hélicoptère, dont nous aurions beaucoup de mal à justifier qu'il se pose ailleurs que sur des bases militaires ou des terrains d'aviation, ainsi que le coût de son utilisation dans cette période de drastiques restrictions budgétaires, j'ai pu associer à notre entreprise le concepteur du radeau des cimes.

- "Notre entreprise, radeau des cimes", que me chantes-tu là, Lilian ? En quoi cela peut-il te concerner ?

- Bien plus que tu ne l'imagines, Mary. Je conçois un habitat perché au sommet d'arbres majestueux ... et robustes, cela m'a naturellement amené à m'intéresser à la canopée, cet univers que nous connaissons finalement assez peu. Des expéditions scientifiques ont été organisées pour recenser celle des forêts primaires d'Amazonie et d'autres régions tropicales en grand danger de disparition, mais une très intéressante initiative vient d'être menée à bien en France même.

- Tu veux sans doute parler de "La forêt enchantée de la Reine Margot" qui a fait l'objet d'un magnifique documentaire sur France5 cet hiver ? répliqua Mary qui en avait quand même un peu marre de se voir considérée comme une téléphobe invertébrée, elle qui justement sur le petit écran (LCD of course !) ne consentait à regarder que les documentaires naturalistes et historiques.

- Exactement ! Il se trouve que les nombreux scientifiques de toutes nationalités qui ont participé à cette étonnante expérience sont maintenant retournés dans leurs labos et leurs muséums pour exploiter les résultats de leur riche collecte et que le matériel qui leur a servi à survoler tranquillement la cime des arbres est disponible. Il convient parfaitement à votre projet, auquel je voudrais m'associer maintenant, si tu n'y vois pas d'inconvénient ?"

Fab, qui s'était prudemment tenu à l'écart de la discussion jusqu'à présent, intervint pour apporter quelques précisions.

"- Réflexion faite Mary, je trouve ce changement tout-à-fait opportun, voyez-vous. Le radeau des cimes est à la fois un ballon gonflé à l'hélium et une montgolfière, un brûleur (au bio-gaz) insuffle sous sa double enveloppe l'air chaud qui nous permettra de régler notre altitude. La nacelle que vous avez vue sur la remorque est une plate-forme d'observation ultra-légère mais très solide, mue par un moteur électrique alimenté grâce aux panneaux solaires souples de dernière génération, collés sur le sommet du ballon.

Ainsi nous pourrons profiter des journées où le vent ne sera pas trop puissant (même en Bretagne cela existe) pour effectuer nos observations et nos relevés et lorsque Zéphyr voudra s'ébrouer, nous recourrons aux bonnes vieilles techniques du Colonel Cody ( le cerf-voliste précurseur, pas le tueur de bisons, bien entendu !).

Et comme ces engins sont d'aspect fort convivial, nul doute que leur irruption silencieuse dans les paysages ne soit bien mieux accueillie que le boucan des turbines de l'hélicoptère, ce qui nous permettra d'aborder nos contacts de manière plus aimable."

Tout cela convenait finalement fort bien à Mary, l'idée d'avoir à subir des heures durant le port d'un casque pour se protéger du vacarme mécanique et la nature par définition instable de la machine volante ne lui plaisaient pas trop, et si cela pouvait préserver son audition de mélomane, ce ne serait pas plus mal !

Le convoi de véhicules (munis de moteurs diesel alimentés à l'huile végétale ou de friture) s'ébranla et ainsi commença le Tro Breizh de Mary ...

A suivre ... ou pas !

Lionel, Sotteville Lès Rouen le 12 janvier 2010


Postambule, remerciements et crédits divers :

Il sont semblables à ceux que j'ai exprimés lors de mon autre contribution : merci à tous !


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